LES GRANDES QUESTIONS > Les chirurgiens > La violation répétée du secret professionnel en chirugie esthétique
Toutes les émissions de télévision de reportages sur la chirurgie esthétique sont basées et montées sur la violation du secret professionnel par les médecins qui fournissent eux mêmes aux médias les patients qui vont témoigner.
Cette violation qui est la faute la plus grave que peut commettre un médecin est consentie en échange de la publicité directe (elle même interdite dans le code de déontologie médicale) qui est faite aux praticiens. Quand vous lirez le texte suivant sur le secret professionnel vous comprendrez facilement d’une part la gravité de l’infraction, d’autre part, que les médecins en question ne sont pas dignes de confiance.
Cette violation du plus vieux fondement de l’exercice médical est dramatique, car elle laisse penser que la chirurgie esthétique n’est plus exercée par des chirurgiens mais par des commerçants. Elle déconsidère l’ensemble d’une discipline, d’une profession et de ses membres.La violation du secret professionnel rend impossible la confiance des patients qui en sont les premières victimes. Le secret professionnel a été institué depuis des siècles, en premier dans leur intérêt.
Pierre NAHON
Le secret professionnel, institué dans l’intérêt des patients, s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi.
Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris.
De très ancienne tradition, le secret médical reste un des piliers de l’exercice de la médecine contemporaine. En effet, « il n’y a pas de soins sans confidences, de confidences sans confiance, de confiance sans secret ». Le médecin ne doit rien révéler de ce qu’il a connu ou appris sur son patient.
Le secret est un devoir du médecin.
Le code de déontologie formule la règle du secret médical, dès son article 4 pour en montrer l’importance.
Le code pénal de 1810 (art. 378) apporte pour la première fois une consécration légale au secret en citant au premier rang des personnes qui y sont astreintes les médecins et les professionnels de santé. L’obligation au secret figure aujourd’hui dans le nouveau code pénal (loi du 22/07/1992 en vigueur depuis le 1er mars 1994) sous les articles 226-13 et 226-14.
Les codes de déontologie médicale successifs viendront en préciser la définition avant que n’intervienne l’article L.1110-4 du code de la santé publique, introduit par la loi n° 2002-303 du 04/03/2002.
A – La loi
Code de la santé publique - Art. L.1110-4
Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des information la concernant.
Il s’impose à tout professionnel de santé ainsi qu’à tout les professionnels intervenant dans le système de santé.
Code pénal - Article 226-13
« L’article 226-13 n’est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n’est pas applicable :
Aucune sanction disciplinaire ne peut-être prononcée du fait du signalement de sévices par le médecin aux autorités compétentes dans les conditions prévues au présent article. »
Le code pénal ne fait plus référence aux médecins. Il traite du secret professionnel et non plus de façon spécifique du secret médical. Il ne s’agit plus du secret « confié » mais du secret dont le professionnel est dépositaire.
Il ne s’ensuit pas que cette rédaction modifie les contours ou la substance du secret médical. Il annonce, sans les énumérer, des dérogations de deux ordres : les divulgations imposées et les divulgations autorisées.
B - Jurisprudence
La jurisprudence, tant judiciaire qu’administrative, renchérit encore sur ces dispositions en proclamant que le secret médical revêt un caractère général et absolu. La Cour de Cassation l’a affirmé la première, dès le XIX° siècle (1885 - arrêt Watelet) et surtout dans un arrêt de la chambre criminelle du 8 mai 1947 (Degraene) : « L’obligation du secret professionnel s’impose aux médecins comme un devoir de leur état. Elle est générale et absolue et il n’appartient à personne de les en affranchir ».
De ce caractère général et absolu du secret médical, les jurisprudences de ces deux cours souveraines tirent des conséquences importantes. Ainsi, il a été admis que :
Il ne peut donc être dérogé au secret médical que par la loi.
Le secret professionnel du médecin est à la fois d’intérêt privé et d’intérêt public :
D. Nature du secret médical
Le secret couvre tout ce qui est parvenu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession (cf. art. L.1110-4 du code de la santé publique, définition du secret médical)
Le texte du code pénal parle d’une « information à caractère secret » ce qui pourrait faire penser que le médecin n’a de secret à garder que lorsqu’il a reçu d’intimes confidences
Cependant, dans l’exercice de sa profession, le médecin peut accéder indirectement à beaucoup d’autres informations de caractère privé, sur le patient ou ses proches, qui doivent aussi rester secrètes : lorsqu’il est admis dans l’intérieur des foyers, au cours d’une enquête anamnestique, etc.
Il n’y a pas de limite précise entre la confidence et le renseignement « anodin ». Les commentateurs du code pénal et de nombreux arrêts de jurisprudence ont interprété la loi en affirmant que le médecin ne devait rien révéler à quiconque de ce qu’il a appris à l’occasion des soins donnés. C’est ainsi d’ailleurs que le public voit le secret (du moins tant qu’il n’a pas besoin d’un certificat pour obtenir un avantage) : toute personne doit avoir la certitude absolue qu’elle peut se fier à un médecin.
Ainsi le secret professionnel est la « pierre angulaire de la morale médicale »
L’adjonction « institué dans l’intérêt des patients », voulue par le Conseil d’Etat, est importante. Elle coïncide avec une évolution de la jurisprudence et l’assouplissement dans certains cas de la doctrine traditionnelle du « secret absolu ».
Le secret médical a été institué dans l’intérêt des patients, mais ce n’est pas sa seule raison d’être puisque, nous l’avons vu, il a un intérêt public. Il compte autant par sa virtualité que par son existence, il est fait pour les malades présents comme pour les malades futurs ou potentiels.
Rien n’autorise le médecin à livrer des renseignements hors des dérogations légales. Même entre médecins, la discrétion est de règle. La notion de « secret partagé » reste limitée aux membres de l’équipe soignante - qui doivent partager certaines informations pour assurer des soins corrects - dans l’intérêt du patient
Il ne s’agit pas là d’un réflexe corporatiste. La rigueur des dispositions actuellement en vigueur et le caractère impératif des règles déontologiques sont destinés à protéger le malade, non le médecin. Le respect du secret médical est un devoir du médecin et non un droit.
Faire tomber en désuétude cette conduite séculaire du médecin serait mépriser l’un des droits fondamentaux de l’homme : tous les patients doivent être assurés que leur confiance ne sera pas trahie lorsqu’ils livrent à leur médecin une information les concernant ou mettant en cause des tiers.
Le secret s’impose vis à vis de la famille et de l’entourage, mais en cas de diagnostic ou de pronostic grave il ne « s’oppose pas à ce que la famille, les proches, ou la personne de confiance définie à l’article L.1111-6 reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d’apporter un soutien direct à celle-ci sauf opposition de sa part »
Seules les informations « nécessaires » peuvent être révélées dans l’un et l’autre cas . D’autre part, si les ayants droit ont accès au dossier d’une personne décédée (al. 7) il faut que la demande soit motivée et que ce droit s’exerce dans une des trois intentions citées : connaître les causes de la mort, défendre la mémoire du défunt ou faire valoir des droits. Le malade de son vivant peut avoir fait opposition à cet accès. Sa volonté est respectée.
Le secret est également dû aux mineurs.
Les mineurs viennent souvent se confier aux médecins et, comme les adultes, ils ont droit au respect et à la discrétion. Il est important, surtout à l’adolescence, qu’un mineur puisse trouver en son médecin un confident qui n’ira pas révéler à ses parents les secrets qui lui sont confiés. Mais lorsque l’intérêt de l’enfant l’exige, ou qu’une décision importante est à prendre, le médecin doit tout faire pour le persuader de tenir ses parents au courrant, en sachant garder le secret sur ce qu’il n’est pas nécessaire de révéler.
Ce que le médecin a pu connaître à l’occasion des soins donnés ne peut lui être demandé en témoignage devant la justice. Interrogé ou cité comme témoin de faits connus de lui dans l’exercice de sa profession, il doit se présenter, prêter serment et refuser de témoigner en invoquant le secret professionnel.