LES GRANDES QUESTIONS > Les chirurgiens > Pourquoi devient-on chirurgien esthétique ?
Alors que les filières classiques de la chirurgie sont délaissées par les étudiants en médecine, la chirurgie esthétique est, à l’inverse, devenue un choix privilégié. Ce phénomène s’explique par la crise des vocations pour ces métiers à hautes responsabilités, où les rémunérations sont de moins en moins attractives, et où les risques de se faire poursuivre en responsabilité augmentent d’année en année. À l’inverse, à en croire les séries télévisées américaines, les chirurgiens esthétiques sont de véritables héros, gagnent des millions, ont des vies sentimentales bien remplies et exercent un métier fabuleux. Cette vision de la chirurgie esthétique ne passe pas inaperçue, donne des idées aux futurs chirurgiens et fait rêver.
La formation de chirurgie plastique et esthétique est très longue. Elle permet au chirurgien de couvrir la totalité de la spécialité. Pendant de nombreuses années, à côté de l’acquisition du savoir technique, il apprend peu à peu à saisir le retentissement des troubles de l’image. Avec l’aide de psychologues, il sait petit à petit voir plus clair, prendre du recul dans le rapport médecin/malade, pour n’en faire qu’une relation parfaitement professionnelle au service du patient. Il doit toujours avoir pour seul objectif la satisfaction de ce dernier. Pour cela, un chirurgien esthétique doit non seulement acquérir la compétence maximum, mais en plus être profondément honnête et particulièrement bien équilibré.
Si on délaisse un tant soit peu le principe médical de base, à savoir le respect du patient, la chirurgie esthétique présente une triple tentation, à laquelle beaucoup succombent en ces temps difficiles : l’argent, l’exercice d’un pouvoir de création, et l’établissement de relations de type séduction/admiration. Ces trois grandes motivations - en elles-mêmes pas forcément condamnables - deviennent préjudiciables quand elles sont recherchées en premier dans l’exercice d’une spécialité chirurgicale. La quête permanente de ces trois sources de valorisation aveugle le devoir médical.
La recherche première de l’argent pousse à exercer la médecine comme un commerce, exercice condamnable car ne visant que l’exploitation d’individus. La volonté du pouvoir de création en tant que valorisation est l’expression d’une difficulté personnelle, responsable soit de l’incompétence, soit de l’abus de création entraînant alors le patient dans des interventions qu’il ne demande pas forcément. L’instauration d’une relation « séduction/ admiration » intervient lorsque le praticien est lui-même confronté à un problème d’image.
Un chirurgien ne pourra rendre service à ses patients que s’il connaît et se dégage complètement de l’acte qu’il pratique, et des motivations qui ont pu l’amener à choisir cette fonction. S’il arrive à reconnaître celles-ci pour exercer avec lucidité son activité, pour laquelle il s’est rendu compétent, et au travers de laquelle il ne recherche que la satisfaction de ses patients, il sera un bon chirurgien. Par contre, s’il reste en proie à ses ambitions de départ, et que l’exercice de son métier n’est que l’expression permanente de sa recherche personnelle, afin de régler ses problèmes, alors il pourra être néfaste pour ses patients, ne voyant tout au long de cet exercice que son intérêt premier.